• Annick Asso : L’Arménité sur la scène contemporaine

« L’Arménie, pour toi c’est quoi ? »

L’acteur français Pascal Tokatlian, conçoit, en 2006, le spectacle Ermen, titre provisoire, repris en 2013, comme une tentative pour répondre à cette question qui a surgi sur le plateau du théâtre de l’Aquarium lors de la création.

Terre lointaine, amputée d’une large part de son territoire, l’Arménie, reconstruite à partir de souvenirs familiaux, apparaît de manière fragmentaire pour le descendant de rescapés, à moitié arménien d’origine, à cheval entre deux rives et deux cultures.

Les Arméniens qui ont échappé aux massacres et ont pu se réfugier en Europe étaient tous des apatrides « sans retour possible » selon les termes du passeport Nansen qui leur était attribué. L’Arménie est devenue alors la patrie perdue, pour ces familles d’immigrés qui ont constitué la diaspora. Voire même un territoire nié dans son existence historique même, l’«apatrie », pour reprendre le titre du récit autobiographique de l’écrivain Jean Kehayan.

A travers l’analyse plusieurs créations contemporaines, en Arménie et en diaspora, ce séminaire propose de visiter les territoires de l’arménité constituée, après le génocide de 1915, des restes d’une civilisation millénaire, de souvenirs et de vestiges épars, de douleurs transportées. Nous examinerons comment la scène contemporaine ouvre un espace de représentation qui permet de recomposer l’histoire d’un peuple disséminé à travers des histoires personnelles tirées de témoignages qui basculent dans la fiction.

• Catherine Douzou : Paul Morand l’homme-frontière

L’oeuvre de Paul Morand (1888-1976) est traversée par l’imaginaire de la partition territoriale, de l’exil, et de la frontière. Il est utile de rappeler pourquoi par sa personnalité, sa vie, sa carrière et son projet littéraire il est tout particulièrement habité par les problématiques qui lui sont liés. Diplomate de profession, élève de l’école des Sciences politiques de Paris, il observe le monde en cours de mutation, ses bouleversements politiques, historiques, territoriaux, sociétaux, technologiques… Certains textes sont particulièrement adaptés pour réfléchir aux représentations des partitions et on les utilisera pour identifier quelques axes essentiels à l’univers morandien de la frontière : la perte d’un territoire entraîne ainsi des troubles d’identité multiples se traduisant notamment dans le corps, qui peut par exemple se paralyser, et affectant même l’identité sexuelle des personnages. On pense notamment à “La nuit de Portofino Kulm” (Fermé la nuit) sur l’Irlande, “La nuit dalmate” (Ouvert la nuit) sur la côte dalmate, etc.

Présentation des intervenantes

Annick Asso est agrégée de Lettres Modernes et enseignant-chercheur. Ses activités de recherche concernent l’étude de la représentation des génocides dans la littérature et au théâtre. Elle est l’auteur de Le Théâtre du génocide, Shoah et génocides arménien, rwandais et bosniaque (Editions Honoré Champion, 2013) et de Le Cantique des larmes, Arménie 1915, Paroles de Rescapés du génocide(Editions de La Table Ronde, 2005). Elle a co-dirigé Exprimer le génocide des Arméniens. Connaissance, arts, engagement (Presses Universitaires de Rennes, 2016).

Catherine Douzou est Professeur à l’Université de Tours. Elle enseigne la littérature française des XXe et XXIe siècles et les arts du spectacle. Elle est spécialiste des relations entre les arts, la littérature et l’histoire. Auteur d’une thèse sur Paul Morand (Paul Morand nouvelliste, Champion, 2003), elle a codirigé Écritures romanesques de droite au XXe siècle (Presses Universitaires de Dijon, 2002), et collaboré à l’édition de la Pléiade Paul Morand Romans (Gallimard, 2005).